Joris Iven

BRUGES

 

 

 

C’était toujours l’été, nous respirions l’air de la mer et courions sur les trottoirs

à Bruges. Je courais à côté de toi. Je ne te connaissais pas. Je ne te touchais pas,

même pas par négligence. Tu jetais une longue ombre devant toi.

La chaleur faisait fondre l’asphalte. Nous nous arrêtâmes au feu rouge.

Je ne t’ai pas regardé. Nous pouvions entendre notre mutuelle respiration.

Nous poursuivîmes notre chemin et nos ombres s’entrecroisèrent.

Je n’ai pas voulu te suivre, mais je ne t’ai pas quittée non plus.

Par intermittence l’ombre d’un arbre tombait sur notre ombre

et réalisai je combien nous étions petits. Or à chaque fois nous continuions

à traduire notre corps et nos mouvements en une ombre. Nous n’avons

pas parlé, or nous avons secrètement senti notre présence mutuelle,

dans cette rue. Nous avons partagé notre ombre. Nos chemins se sont

séparés, mais nous avons embrassé ce qui nous a traduit.

 

 

Traduction : Bernard de Coen

 

 

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